Le projet de loi de Finance 2025 du Cameroun marque une volonté affirmée d’intégrer la mobilité électrique dans le paysage national. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où le pays, dépourvu d’industrie automobile locale, dépend entièrement des importations pour son parc automobile. L’abattement de 50% sur la valeur imposable des véhicules électriques soulève néanmoins plusieurs interrogations cruciales.

Un réseau électrique sous tension

La première préoccupation concerne l’infrastructure électrique nationale. Le Cameroun fait face à des défis majeurs dans la distribution d’électricité, avec des délestages récurrents dans les zones urbaines et une électrification encore partielle des zones rurales. La présence de seulement trois bornes de recharge dans le pays, dont deux à Douala et une à Yaoundé, illustre l’ampleur du défi infrastructurel. La question de l’origine de l’électricité qui alimentera ces véhicules reste également en suspens, car une transition vers l’électrique n’aurait qu’un impact limité si l’électricité provient de sources non renouvelables.

Une équation économique complexe

Dans un pays où le salaire minimum avoisine les 36.000 FCFA, la démocratisation des véhicules électriques, même avec un abattement fiscal de 50%, semble difficile à réaliser. Le marché risque de se limiter à une clientèle aisée, créant ainsi une mobilité verte élitiste. L’absence d’industrie automobile locale rend le pays totalement dépendant des importations, ce qui soulève des questions sur la balance commerciale et la création de valeur au niveau national.

Des défis techniques considérables

La maintenance constitue un enjeu majeur. Le pays devra rapidement former des techniciens spécialisés dans l’entretien des véhicules électriques. La gestion des batteries usagées représente également un défi environnemental et technique de taille, pour lequel aucune solution n’a encore été clairement proposée. Les conditions climatiques camerounaises, particulièrement dans les régions chaudes, pourraient affecter significativement l’autonomie des batteries, tandis que l’état des routes non bitumées pose la question de l’adaptabilité de ces véhicules au contexte local.

Une gouvernance à repenser

Le projet, principalement porté par l’Apeme-Cam, révèle une forte implication du secteur privé dans cette transition énergétique. Cette configuration nécessite un cadre réglementaire solide pour éviter la création de situations monopolistiques et garantir une transparence dans l’attribution des marchés. Le rôle de l’État doit être clairement défini, au-delà des simples incitations fiscales.

Des alternatives à considérer

Face à ces nombreux défis, d’autres solutions de mobilité durable mériteraient d’être explorées. Le renforcement des transports en commun existants, l’amélioration du réseau routier, et le développement de solutions de mobilité adaptées au contexte local pourraient s’avérer plus pertinents qu’une transition brutale vers l’électrique.

Nécessité d’une approche progressive

L’introduction des véhicules électriques au Cameroun, bien qu’alignée sur les objectifs environnementaux nationaux, nécessite une approche plus progressive et mieux adaptée aux réalités locales. En l’absence d’une industrie automobile nationale, le pays pourrait saisir cette opportunité pour développer des compétences locales dans la maintenance et les services associés aux véhicules électriques, plutôt que de simplement faciliter l’importation de véhicules. Une réflexion approfondie sur l’infrastructure nécessaire et l’accessibilité économique devrait précéder tout déploiement massif de cette technologie.

Mérimé Wilson